Le Nouvelliste

Trois-Rivières - La photo parle ou pourrait parler.

Pour Robert Dupont et son frère Jacques, c'est l'évidence même. Leur père, l'ex-sergent-détective Louis-Georges Dupont, a bel et bien été assassiné en 1969, malgré toutes les conclusions au suicide auxquelles on a pu en arriver à l'époque et même à l'issue de la grande enquête publique tenue en 1996 sur les circonstances nébuleuses de cette mort.

C'est qu'en soumettant à un procédé numérique l'une des photos prises lors de la découverte du corps du policier, dans un boisé au nord du boulevars St-Jean, un trou de la grosseur d'un impact de balle est clairement apparu dans le paletot qu'il portait, à l'arrière, à la hauteur de l'épaule.

Le photographe judiciaire du service de la police de Trois-Rivières, qui avait prit les clichés, avait déja rapporté qu'il avait vu "comme une brûlure de la grosseur d'une cigarette" sur le paletot du policier.

Robert Dupont lui-même se rappelle que le paletôt qui avait été remis à sa mère était troué à la hauteur de l'épaule droite.

Mais un accroc à un vêtement ne signifie pas pour autant qu'il est le résultat du passage d'une balle. Même si les frêres Dupont montrent la frappante ressemblance entre le trou laissé
sur le corps de leur père par la balle qui l'a tué et celui qui apparait à l'épaule du paletot.

Sauf que le tanatologue judiciare Julien Philibert, à qui le corps du sergent-détective a été confié, a déjà témoigné qu'il lui avait fallu refermer une seconde plaie, dans le dos, à la hauteur de l'omoplate.

S'il y avait sur le corps du policier des impacts provenant de deux balles différentes, la thèse du suicide ne peut plus tenir le coup. Il y a là des faits nouveaux qui autorisent la famille Dupont à réclamer la tenue d'une nouvelle enquête.

La famille se propose d'aller sous peu déposer une plainte à la Sécurité publique de Trois-Rivières afin d'obtenir cette enquête, qui, idéalement croit-on, pourrait être menée par la Sûreté du Québec.

Voilà 40 ans que la famille refuse la thèse du suicide et se bat pour que ce qu'elle croit être la vérité éclate enfin. La grande enquête publique menée en 1996 devait en principe clore le dossier. Les frères Dupont en on toujours rejeté la conclusionn et reprochent à la juge Lamontagne, qui la présidait, d'avoir négligé de tenir compte de ce second impact de balle.

Il faut dire que rarement les circonstences d'une mort par balle ne sont demeurées aussi nébuleuses, malgré l'enquête publique, et que tant de questions importantes sont restées sans réponse, justifiant tous les doutes.

Il faut se rappeller que la mort du sergent Dupont est survenue dans le contexte d'une Commission d'enquête sur la police de Trois-Rivières au cours de laquelle il aurait dénoncé les agissements de certains de ses collègues.

L'enquête de la police de Trois-Rivières sur la mort du policier avait été carrément bâclée, la thèse du suicide avait été imposée dès le départ. Le plus étrange c'est que parmi les policiers chargés de l'enquête se trouvaient des policiers remis en cause dans la Commisson d'enquête , dont le lieutenent-détective Jean-Marie Hubert, directement visé par la Commission, qui venait juste d'être réinstallé dans ses fonctions après avoir été suspendu par la Ville de Trois-Rivières qui le congédira de nouveau.

En 1995, le juge St-Julien de la Cour Supérieure, qui entendait une requête en mandamus présentée par la famille Dupont, avait conclu au meurtre du policier et avait en conséquence ordonné au ministère québecois de la justice de tenir une enquête publique pour établir les circonstances réelles de cette mort.

Le juge St-Julien avait relevé beaucoup de faits troublants. Il se demandait pourquoi, dans les heures qui avaient suivi la découverte du cadavre de M. Dupont, le banc taché de sang avait été lavé et remplacé. Pourquoi il n'y avait pas d'empreintes sur le Colt .38 du policier ? Comment il se faisait que la balle retrouvée était tellement difforme qu'on ne pouvait la relier à l'arme de service du policier. Comment il s'était fait que l'enquête du coroner avait été si sommaire et mené promptement à un verdic de suicide ? Comment expliquer que les exhibits aussi important que le révolver et la balle abîmée soient devenus introuvables et que de nombreux documents aient inexplicablement disparus, qui auraient pu être éclairant dans le dossier.

Aujourd'hui encore, la VIlle de Trois-Rivières fait opposition à la famille Dupont, devant la Commission d'accès à l'information, qui veut avoir accès à tous les documents qu'elle détient concernant leur père, dont les négatif des photos prises à l'époque qui pourraient révéler certains aspects négligés du dossier, dont la b;essure à l'épaule.

Il faut aussi savoir que les experts pathologistes sont très opposés sur l'interprétation des trous de balles laissés dans le corps du policier Dupont. Les tenants du suicide concluent à une entrée de balle dans l'abdomen et à une sortie dans le dos. Mais l'examen des plaies par d'autres experts les a totalement convaincu du contraire.

Il y a dans cette mort un mystère qui demeure trop grand qu'il faudra bien un jour éclaircir. Après 40 ans, il serait à peu près temps qu'on y arrive.