La Presse, Montéal, lundi 23
septembre 1996 Par André Cedilot
L'affaire Dupont ;
Un manque de
transparence.
Trois-Rivières - L'exès
d'incrédulité des membres de la famille de l'ex-policier Louis-Georges
Dupont, de Trois-Rivières est le le résultat de 27 années de détresse et de
frustration causé par le manque de transparence de la police et du systéme
judiciaire.
Après les rapports très divergents des médecins-légistes présentés devant la
Commission Céline Lacerte-Lamontagne la semaine dernière, il est maintenant
clair que la faimille rejettera les conlusions de l'enquête à moins, bien
sûr, que celle-ci ne leur donne raison sur toute la ligne.
L'enquête n'en perd pas sa pertinence pour autant puisque le public, lui, a
pu se faire une idée. L'équipe d'enquêteurs que dirigeait la juge Céline
Lacerte-Lamontagne, de la cour du Québec, est probablement allée aussi loin
qu'elle le pouvait dans sa recherche de la vérité.
Outre les multiples journées d'audience publiques qui ont eu lieu cet été,
le procureur principal de la Commission, François Daviault, affirme avoir
pris connaissance des dépositions de quelques 200 personnes reliées de près
ou de loin à la mort de l'ancien policier trifluvien, en novembre 1969.
Comme prévu, l'enquête s'est transformée en bataillle d'experts. À l'instar
du Dr. Jean Hould, qui a pratiqué la dernière autopsie il y a 27 ans,
l'expert américain de la Commission, Michaël Baden, privilègie la thèse du
suicide, cependant que Louis S. Roh, embauché par la famille, soutient qu'il
s'agit d'un meurtre.
Sans qu'on puisse présumer d'une conclusion définitive, la juge
Lacerte-Lamontagne mettra le point final à ce débat le 29 novembre prochain,
quand elle remettra son rapport au ministère de la sécurité publique.
Depuis un bon moment déjà, les membres de
la famille Dupont ont tiré leur propre conclusion : leur père a été
assassiné pour avoir dénoncé la corruption rampante qui sévissait au sein de
la police de Trois-Rivières dans les années 60.
Toute la thèse de la famille tient peut-être dans les déclarations qu'aurait
fait Louis-Georges Dupont Louis-Georges Dupont devant la Commission de
police. Or, le gouvernement du Québec, même après tant d'années, maintient
le secret sur un large pan de cette important enquête qui s'est clos par la
mise en tutelle du service de police trifluvien. Le malaise était à ce point
profond que la Commission a dû récidiver
en... 1982.
"Des le moment ou j'ai identifié le cadavre à la morgue, j'étais convaincu
qu'il avait été tué. Je suis un chasseur et je sais reconnaître une plaie de
sortie de projectile", a rapprelé Jacques Dupont, 46 ans, l'ainé des quatres
enfants de la famille.
Dans les semaines qui ont suivi, Mme Jeanne-d'Arc Dupont, aujourd'hui âgée
de 73 ans, sétait adressée à un médecin pour obtenir le rapport d'autopsie,
mais celui-ci avait répondu "qu"il était trop tard".
Alors âgé de 19 ans, M. Dupont a mis deux ou trois ans avant de parler
ouvertement de ses graves soupçons. Comme sa mère, il craignait les
représailles du milieu interlope et même de la police. "Oublie ça, c'est
trop dangereux", leur disait-on, quand ils en discutaient avec des proches.
Ce n'est finalement qu'en 1982, sous l'influence de ses quatre enfants, que
Mme Dupont s'est décidée à entreprendre des démarches pour faire valoir son
point de vue devant la Commision de la sécurité publique.
Après avoir épuisé tous les recours, ils
ont obtenu une réponse en... 1986.
Pour la famille Dupont, qui avait touché une indemnisations de seulement
5000 $ à l'époque, ce refus avait des conséquences financières importantes.
De fait, la famille n'a pu toucher une indemnité à vie pour un décès
"accidentel" qui vaudrait aujourd'hui plus de 400 000$.
En raison des énormes difficultés qu'ils ont rencontré avec la Ville de
Trois-Rivières et son service de police pour obtenir plus de détails sur
l'enquête et les circonstances du décès, les membres de la famille Dupont
ont entreprit leur croisade auprès du gouvernement.
Par la suite ils ont multiplié les demandes d'accès à l'information,
rencontré députés et ministres, mais sans résutat probant. Le point
culminant de ce dossier est la décision de l'ancien ministre de la Sécurité
publique Claude Ryan de demander au Dr. Jean Hould de faire une
contre-expertise de sa... propre autopsie.
Devant une telle aberration, ils ont fialement décidé de consulter des
experts et de sensibiliser les médias. C'est finalement la Cour supérieure
qui a ordonné l'enquête publique que vient de tenir la juge Céline
Lacerte-Lamontagne.
Maintenant on se surprend que la famille, après 27 ans de lutte acharnée,
n'ait plus confiance en qui que ce soit, et accuse la Commission de tous les
maux, malgré l'ampleur de son travail.
Le cas des Dupont n'est pas isolé. Qu'on pense seulement à l'affaire
Danielle André, qui n'est pas encore éclaircie après plus de 25 ans et qui,
elle aussi, a opposé une famille éplorée au silence de la police et de
l'ensemble du système judiciaire.
Que dire aussi des récentes révélations de Gaétan Rivest et d'autres qui ont
remis en cause l'intégrité des policiers de la Sûreté du Québec ; le dossier
Matticks et le vol de documents survenus dans le bureau du juge Jean-Pierre
Bonin, chargé de faire la lumière sur cette affaire.
Le gouvernement ne doit plus laisser pourrir ses situations aussi explosives
qui compromettent gravement la confiance du public envers des institutions
aussi essentielles que la police et la justice.